
Newsletter Juin 2025

✨IA & PROPRIETE INTELLECTUELLE : VERS UNE RECONNAISSANCE DE LA VALEUR DES CONTENUS CULTURELS ✨
Première affaire sur l’IA et le droit d’auteur devant la CJUE
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de recevoir sa toute première question préjudicielle sur l’IA et le droit d’auteur.
Le renvoi, enregistré sous le numéro C-250/25, provient de Hongrie et oppose une entreprise à Google. En jeu : les droits voisins des éditeurs de presse (article 15 de la directive DSM), les exceptions pour le text and data mining (TDM – article 4 de la même directive), et plus largement, la façon dont les contenus protégés peuvent (ou non) être affichés par des chatbots.
Le juge hongrois demande notamment si le fait qu’un chatbot reproduise, dans ses réponses, un contenu (quasi) identique à celui publié sur le site d’un journal constitue une atteinte :
- au droit de reproduction ;
- au droit de mise à disposition du public.
Et ce, même si la réponse du chatbot résulte d’un processus probabiliste : il « devine » mot après mot ce qu’il doit dire, en fonction des modèles qu’il a appris.
Une autre question-clé porte sur l’entraînement des modèles d’IA. Faut-il y voir un acte de reproduction ? Si oui, l’exception TDM prévue par la directive s’applique-t-elle à ces entraînements massifs ?
Petit rappel utile : l’article 15 de la directive DSM octroie aux éditeurs de presse un droit voisin, leur permettant de contrôler la reproduction et la mise à disposition en ligne de leurs publications par des services comme Google. Ce droit s’inspire directement des articles 2 et 3(2) de la directive InfoSoc.
L’article 4, lui, impose aux États membres d’introduire une exception au profit du TDM. Mais attention : cette exception ne couvre que le droit de reproduction et d’extraction, pas celui de communication au public. Et elle peut être écartée si les titulaires de droits s’y opposent expressément (opt-out).
Cette affaire renvoie à trois débats brûlants dans la doctrine européenne :
1️⃣ Les chatbots enfreignent-ils les droits d’auteur ?
Si le contenu affiché est protégé, et si l’IA n’a pas créé le texte de manière totalement indépendante, il y a de fortes chances que le chatbot viole les droits de reproduction et de mise à disposition.
Et peu importe qu’il s’agisse d’une « prédiction » mot à mot : si le résultat final est une reproduction, la qualification juridique ne devrait pas en être altérée.
2️⃣ L’entraînement des IA est-il un acte de reproduction ?
La réponse, déjà suggérée par la jurisprudence européenne, est affirmative. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur a prévu une exception spécifique au TDM. Le droit de reproduction est interprété largement, ce qui inclut les actes techniques liés à l’analyse massive de données protégées.
3️⃣Le TDM couvre-t-il l’entraînement des IA ?
Là encore, même si certains en doutaient, la réponse semble désormais claire. L’IA faisait partie des préoccupations lors de l’adoption de la directive DSM en 2019. Et le lien explicite entre TDM et IA dans le récent règlement sur l’IA (AI Act) ne fait que confirmer cette orientation.
Mais une précision importante s’impose : le TDM ne recouvre qu’une partie de l’entraînement des IA. Or, à ce jour, aucune exception générale ne vise explicitement l’entraînement des IA dans son ensemble. Tout repose encore sur un subtil jeu d’exceptions, de conditions (accès licite, finalité précise…) et de tests (three-step test).
Pour en savoir plus 👉 https://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf?text=&docid=300681&pageIndex=0&doclang=EN&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=5279466
Cette première affaire ouvre un nouveau chapitre, où droit d’auteur et intelligence artificielle vont devoir apprendre à cohabiter… sous l’œil vigilant des juges européens.
Un Code de bonnes pratiques européen en matière d’IA au détriment des droits d’auteurs ?
Le 14 mai dernier, la Commission sénatoriale des Affaires Européennes a tiré la sonnette d’alarme.
Alors que l’IA Act a été adopté avec l’ambition de garantir la transparence et la loyauté des systèmes d’IA, le Sénat dénonce un affaiblissement préoccupant de ses principes fondamentaux. En cause : une première version du code de bonnes pratiques qui semble accorder une place disproportionnée aux intérêts des géants de la tech… au détriment des créateurs européens.
Les IA génératives ne sont pas neutres. Elles se nourrissent d’œuvres protégées, de contenus de presse, de créations artistiques et littéraires. Et cette exploitation massive se fait sans autorisation et sans rémunération, mettant en péril les modèles économiques déjà fragiles des industries culturelles.
Dans un avis politique adopté à l’unanimité, les sénateurs appellent ainsi la Commission européenne à revoir son projet de Code de bonnes pratiques en matière d’intelligence artificielle et posent des exigences claires :
➡️ Aucune œuvre ne doit être utilisée sans autorisation expresse de ses auteurs ;
➡️ Le principe de transparence, pilier de l’IA Act, doit être maintenu et renforcé ;
➡️ Toutes les parties prenantes – créateurs, éditeurs, producteurs, journalistes – doivent être représentées à la table des négociations.
Ce débat fait écho au rapport du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA)….
Transparence des IA Génératives & Rémunération des contenus culturels :
En effet, le CSPLA à présenter, le 23 juin prochain, son projet de rapport sur l’intelligence artificielle et la rémunération des contenus culturels.
Aujourd’hui, les IA génératives consomment massivement les œuvres protégées disponibles en ligne pour s’entraîner, sans autorisation, sans transparence… et surtout sans rémunération pour les créateurs, éditeurs et producteurs.
Face à cette situation, le rapport du CSPLA propose plusieurs pistes concrètes pour corriger le tir :
1️⃣ Transparence des sources : imposée par l’IA Act européen (2024), elle permettrait enfin aux titulaires de droits :
- de vérifier leur opt-out,
- et d’en tirer des conséquences économiques, via une éventuelle rémunération.
2️⃣ Reconnaissance de la valeur économique des contenus culturels dans les modèles d’IA :
- Rémunération proportionnelle et/ou forfaitaire,
- Création d’une place de marché structurée pour contractualiser l’accès aux œuvres,
- Structuration des bases de données en lien avec les ayants droit.
Un projet ambitieux qui vise à réconcilier innovation technologique et droits fondamentaux des créateurs, tout en posant les bases d’un marché des données culturelles plus équilibré et plus durable.
✨DONNEES PERSONNELLES✨
➡️SOLOCAL sanctionnée : la CNIL hausse le ton sur la prospection commerciale et le consentement !
Le 15 mai 2025, la CNIL a infligé une amende de 900 000 € à la société SOLOCAL, assortie d’une astreinte de 10 000 € par jour jusqu’à mise en conformité.
Pourquoi ? Parce que le consentement doit être vrai et se prouver.
SOLOCAL utilisait des données issues de formulaires en ligne (jeux-concours, tests produits…), fournis par des courtiers en données et des éditeurs de sites. Cependant, les formulaires étaient conçus de manière à orienter fortement l’utilisateur vers une acceptation, en jouant sur l’ergonomie, les couleurs, la taille des boutons, etc.
Et surtout, aucune preuve tangible du consentement des personnes n’a pu être apportée à la CNIL.
La CNIL relève deux manquements majeurs, à savoir :
1️⃣ Absence de base légale valable pour la prospection (article L.34-5 du CPCE) : le consentement doit être libre, éclairé, spécifique. Ici, il était… suggestif.
2️⃣ Défaut de preuve du consentement (article 7 RGPD) : en matière de données personnelles, celui qui traite doit être en mesure de prouver, pas juste d’espérer.
Même après avoir constaté les manquements, SOLOCAL a continué d’utiliser les données pendant 17 mois. De quoi faire bondir toute autorité de contrôle…
🔎 À retenir pour toutes les entreprises qui font appel à des fichiers de prospection « tout prêts » :
- Vous êtes responsable des données que vous traitez, même si vous ne les avez pas collectées vous-même.
- Vérifiez les formulaires, exigez la preuve du consentement, suspendez tout traitement douteux.
📣 Parole d’expert FIRSH : Le RGPD n’est pas une formalité : c’est une exigence juridique et stratégique. FIRSH vous accompagne dans la sécurisation de vos campagnes de prospection, en amont et en aval, pour éviter que la conformité ne devienne un sujet… une fois l’amende tombée.
Pour lire la délibération complète ici 👉 Délibération SAN-2025-001 du 15 mai 2025 – Légifrance
➡️META s’entraîne sur les données des Européens :
Depuis le 27 mai, META utilise les données des utilisateurs européens de ses réseaux-sociaux (Facebook et Instagram) pour entraîner ses systèmes d’intelligence artificielle.
META a précisé que les données des utilisateurs de Meta AI sur Whatsapp n’étaient pas concernées.
Quels types de données sont utilisées ?
- Les données contenues dans les publications publiques des utilisateurs adultes (textes, photos, commentaires etc.)
- Les données issues des interactions de ses utilisateurs, quel que soit leur âge, avec les services d’IA, par exemple les informations saisies dans son agent conversationnel (chatbot IA).
À la suite d’échanges entre les autorités européennes et avec l’autorité de protection des données irlandaise (la DPC), Meta a renforcé ses mesures de filtrage pour réduire le risque que des données personnelles soient mémorisées par les modèles d’IA lors de la phase d’entrainement.
✨PROPRIETE INTELLECTUELLE ✨
➡️Droit des marques : T’Choupi est une marque renommée au sens de l’article 8(5) RMUE
Dans cette affaire d’opposition, l’EUIPO reconnaît le caractère renommé de la marque T’CHOUPI pour les documents imprimés (classe 16), ce qui lui permet de s’opposer à une demande de marque CHOUPI déposée en classes 5 (produits pharmaceutiques, hygiène), 31 (nourriture pour animaux), et 35 (services de vente).
Même si les produits visés ne sont pas identiques, l’EUIPO considère que le consommateur moyen — un parent, potentiellement client de livres T’choupi et d’articles pour animaux ou d’hygiène — pourrait faire un lien économique entre les deux marques. Cela suffit à caractériser un risque d’exploitation injustifiée de la renommée de T’Choupi.
Ce que cela signifie :
- Nul besoin que les produits soient identiques : il suffit d’un lien suffisant dans l’esprit du public.
- La notoriété donne un “bouclier élargi” à la marque renommée, y compris face à des marques qui n’imitent pas exactement mais évoquent.
- La dimension affective/familiale de la marque joue ici un rôle crucial dans l’analyse du lien mental.
Pour lire la décision complète ici 👉 https://euipo.europa.eu/copla/trademark/data/018845686/download/CLW/OPP/2025/EN/20250522_003201108.doc?app=caselaw&casenum=003201108&trTypeDoc=NA
➡️Action en contrefaçons et forclusion par tolérance :
Dans une décision du 19 mars 2025, la Cour d’appel de Paris a rappelé la portée de la forclusion par tolérance prévue à l’article L. 716-4-5 du CPI.
En l’espèce, le titulaire d’une marque antérieure a vu son action en contrefaçon déclarée irrecevable, faute d’avoir réagi pendant plus de cinq ans alors qu’il connaissait l’usage continu et public d’une marque postérieure concurrente.
La Cour a considéré que l’ensemble des conditions posées par la CJUE étaient réunies : dépôt de bonne foi, usage effectif, enregistrement dans l’État concerné, et connaissance de cet usage par le titulaire de la marque antérieure.
Une décision qui confirme qu’en matière de marques, l’inaction prolongée peut coûter cher.
📣 Parole d’expert FIRSH : la défense de ses marques est un investissement. FIRSH recommande de mettre en place une surveillance de protection de ses marques pour agir au plus tôt et donc à moindre frais soit dans la période d’opposition de l’enregistrement de la marque.
Pour lire l’arrêt complet ici 👉 CA de Paris, 19 mars 2025, n°24/03156
✨ECOSYSTEME FIRSH✨
Avec son plan « Choose Europe to start and scale », la Commission européenne affiche une ambition claire : simplifier les démarches, mieux financer l’innovation, et créer les conditions de l’émergence de champions européens. Un cadre plus lisible pour innover et grandir en Europe : Valorisation de la propriété intellectuelle, soutien aux scale-ups, simplification administrative : ce nouveau cap européen résonne avec notre pratique. Chez Firsh, on est prêts à accompagner les projets qui veulent transformer l’essai, en Europe comme à l’international.
Recommandation : Le Podcast de Camille Vever “Les voix de l’audace”.
En 2021, Camille et Damien Vever, 7ème génération de la famille, réveillent la Maison en sommeil depuis 1982 avec l’ambition de réinventer sa proposition de valeur et de l’adapter aux enjeux environnementaux et sociétaux du 21ème siècle. Camille invite donc des personnes qui n’ont pas eu peur d’être audacieuses dans leur domaine c’est-à-dire d’innover, de casser les codes et de montrer un nouveau chemin d’excellence. Coup de coeur Podcast FIRSH ! Venez assister au podcast ! Pour chaque épisode, la Maison propose à 5 personnes tirées au sort de venir assister à l’enregistrement au sein du showroom Vever. Pour ce faire, il vous suffit d’envoyer un email à contact@vever.com avec l’objet « Voix de l’audace » en indiquant vos Nom, Prénom et téléphone.
✨ ACTUALITES « FIRSH » ✨
➡️Firsh a notamment assisté ses clients sur les projets suivants :
- Audit PI dans le cadre d’une acquistion d’une société spécialisée dans le developpement de logiciels
- Négociation et rédaction d’un accord de collaboration R&D entre deux entreprises
- Rédaction d’une lettre de mise en demeure dans le cadre d’usage non autorisé de marques (contrefaçon et concurrence déloyale)
- Audit RGPD d’une société spécialisée dans le logiciel de traçabilité de matières premières
- Plaidoirie devant la Cour d’appel de Toulouse sur une contestation de liquidation d’astreinte
➡️ Dans le cadre de son laboratoire d’innovation, FIRSH a publié son premier Livre Blanc et signe le lancement officiel de FIRSH LAB qui publie sa première étude en choisissant pour objet de travail un sujet de société aux multiples enjeux : les deepfakes (hypertrucages générés par l’intelligence artificielle). Abordant l’un des futurs sujets majeurs de nos sociétés, ce Livre Blanc a nécessité un travail de fond pendant plus de 6 mois et la réalisation d’une étude approfondie auprès de multiples experts français et internationaux de l’intelligence artificielle sur les aspects techniques, sociologiques, économiques et juridiques des deepfakes. La réflexion juridique qui s’y dégage procède d’une fine analyse de la législation , de la doctrine et des décisions de justice. Le Livre Blanc donne donc des recommandations juridiques et pratiques à l’attention des pouvoirs publics, des entreprises ainsi qu’à tout individu intéressé par le sujet…
N’hésitez pas à nous contacter sur le mail suivant pour recevoir un exemplaire du Livre Blanc 👉 contact@FIRSH.LAW
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📢 Il n’y a pas de collecte directe de vos données personnelles et donc pas d’emailing de la part de Firsh !