
Newsletter AVRIL 2025

✨INTELLIGENCE ARTIFICIELLE✨
➡️Quand l’IA joue avec le feu !
Le 11 février 2025, un juge fédéral américain a tranché en faveur de Thomson Reuters dans l’affaire l’opposant à Ross Intelligence. En cause : l’utilisation non autorisée des notes d’en-tête de la plateforme documentaire Westlaw éditée par Thomson Reuters pour entraîner l’outil d’IA juridique développé par Ross Intelligence.
Le juge a estimé que ces contenus éditoriaux étaient suffisamment originaux pour être protégés par le droit d’auteur et que leur réutilisation par Ross n’était ni transformative, ni couverte par le fair use, notamment à cause de son impact économique direct.
🔍 Zoom sur les limites du fair use posées par la décision :
- Usage commercial : confirmé.
- Aucune transformation réelle : Ross Intelligence ne modifie ni la forme ni la finalité.
- Concurrence directe : l’outil IA de Ross Intelligence met clairement en péril le marché de Westlaw.
💼 Enjeux juridiques :
🔹 Vers une ligne rouge pour l’entraînement des IA ?
Cette affaire, l’une des premières à se prononcer substantiellement sur l’entraînement d’une IA avec des données protégées, illustre l’émergence de limites claires à ne pas franchir, en particulier lorsque les données sont utilisées sans transformation réelle ni accord préalable. Les décisions à venir (OpenAI c/ NY Times, Getty Images c/ Stability AI…) seront sans doute influencé par cette affaire.
🔹 La “transformativité” sous tension :
La notion de “transformativité” évolue : elle ne suffit plus à justifier un usage si celui-ci reproduit une logique commerciale identique ou remplace la source d’origine sur le marché. Le raisonnement du juge Bibas s’inscrit ici dans la lignée de l’arrêt Warhol (2023), qui a déjà tempéré l’élan favorable au fair use.
🔹 Enjeux systémiques pour l’écosystème IA :
L’affaire souligne les fragilités juridiques des startups IA : Ross Intelligence n’a pas directement copié le contenu de Westlaw, mais a sous-traité l’accès aux données. Cette stratégie d’évitement n’a pas convaincu. Les entreprises doivent donc repenser leurs data pipelines pour s’aligner sur le droit d’auteur, au risque de voir leurs modèles menacés.
🔹 Et en Europe ?
La Directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique (dite “Directive DAMUN ») trouverait ici application.
En effet, son article 3 prévoit une exception de data mining aux fins de recherches scientifiques et son article 4 prévoit quant à lui une exception de fouille de textes et de données. L’exception au droit d’auteur pour fouille de textes et de données, créée par la directive DAMUN, permet à toute personne une utilisation de contenus protégés pour toute finalité, tout en octroyant un droit d’opposition (« opt-out ») aux titulaires de droits d’auteur.
Le décret n°2022-928 du 23 juin 2022 précise les modalités d’exercice de cette opposition : celle-ci n’a pas à être justifiée et peut-être exprimée par tout moyen, y compris par simple mention dans les métadonnées du fichier de l’œuvre protégée.
Au-delà de l’aspect juridique, l’enjeu est de s’assurer que le recours à ce droit d’opt-out est, en pratique, bien porté à la connaissance des acteurs de l’IA. Par exemple, le recours au protocole d’exclusion des robots (« robots.txt »), fichier texte placé à la racine d’un site web, permet d’indiquer aux outils de recherche robotisés les zones d’un site à ne pas explorer.
Par ailleurs, il ressort de l’IA Act du 13 juin 2024 (cons. 107) que les fournisseurs de modèles d’IA à usage général devront mettre à la disposition du public un résumé suffisamment détaillé du contenu utilisé pour l’entraînement du modèle, selon un formulaire élaboré par le futur bureau européen de l’IA. Ce résumé devra comporter la liste complète des œuvres protégées par le droit d’auteur utilisées plutôt que le détail des techniques utilisées pour leur extraction afin de permettre aux titulaires desdits droits d’exercer leur opposition le cas échéant.
RETOUR D’EXPERTISE FIRSH : Vers une contractualisation massive ?
Ce type de contentieux pourrait accélérer l’émergence de licences structurées (presse, bases de données, réseaux sociaux…).
Le Monde a déjà signé avec OPEN AI un partenariat en ce sens.
En référé : le Syndicat national de l’édition (SNE), la Société des Gens de Lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC) ont récemment formé un recours contre META (cf point ci-dessous.
Pour une IA éthique et responsable : les éditeurs de contenu doivent devenir des acteurs économiques centraux de la chaîne de valeur de l’IA.
En savoir plus 👉 District Court for the District of Delaware, 2 févr. 2025, Thomson Reuters c/ Ross Intelligence, n° 1:20-cv-613-SB
➡️IA & Droit d’auteur : L’IA de META devant les tribunaux judiciaires français
Par une assignation du 6 mars 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a été saisi par le Syndicat national de l’édition (SNE), la Société des Gens de Lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC) à l’encontre de Meta Platforms Inc.
Les juges du fond seront appelés à se prononcer sur plusieurs moyens, les demandeurs soutenant notamment que :
- Meta aurait utilisé, sans autorisation, la base de données Books3 contenant près de 200 000 œuvres, dont des livres d’auteurs français, pour entraîner son IA générative Llama, en violation des droits patrimoniaux et moraux des auteurs protégés par le Code de la propriété intellectuelle (articles L.111-1 et suivants) ;
- cette exploitation constituerait également un parasitisme économique, Meta s’appropriant les investissements intellectuels et éditoriaux sans en supporter les coûts, en violation des dispositions de l’article 1240 du Code civil.
💼 Les Enjeux juridiques de cette décision sont notamment les suivants :
✅ Déterminer si l’entraînement d’une IA sur des œuvres protégées sans autorisation constitue une contrefaçon en droit français.
✅ Articuler le droit d’auteur national avec les pratiques des acteurs globaux invoquant le « fair use », concept étranger à notre système juridique.
✅ Amorcer une réflexion jurisprudentielle et contractuelle sur la juste rémunération des ayants droit dans l’écosystème de l’IA générative.
Il s’agit du premier contentieux à notre connaissance sur le sujet fondé tant sur le droit de la propriété intellectuelle que sur la concurrence déloyale, soit des textes fondateurs (et ancien) de notre responsabilité civile. Ce contentieux sera suivi de très près par les équipes FIRSH.
➡️IA & Journalisme : une plume sans main chez Il Foglio
Depuis mars 2025, le quotidien italien Il Foglio s’est lancé dans une expérience éditoriale inédite : publier chaque jour, pendant un mois, un supplément de quatre pages entièrement rédigé… par une intelligence artificielle.
Baptisé « Il Foglio AI« , ce projet comprend 22 articles, dont trois éditos, générés à partir de simples consignes rédigées par les journalistes humains, relégués ici au rôle de prompteurs.
En pratique, les journalistes du quotidien demandent à une version de ChatGPT de rédiger un article avec des tons différents, en s’appuyant sur des informations trouvées en ligne. Après vérification, le choix final est fait par la rédaction.
🎯 L’objectif affiché ?
Tester grandeur nature les capacités de l’IA dans la production d’information : qualité rédactionnelle, cohérence du propos, rigueur des sources… et provoquer une réflexion sur l’avenir du journalisme.
Mais la vraie audace du journal réside ailleurs : Il Foglio a volontairement choisi de ne pas corriger les erreurs générées par l’IA. L’idée ? Offrir une démonstration brute de ses limites, exposer ses approximations, ses biais, ses incohérences, sans filet.
EXPERTISE/ REFLEXION FIRSH : Ce laboratoire à ciel ouvert soulève plusieurs enjeux juridiques de fond, à l’intersection du droit de l’intelligence artificielle et du droit de l’information : L’IA peut-elle être considérée comme un auteur ? Dans la négative, qui engage sa responsabilité en cas de contenu erroné, diffamatoire ou trompeur ?
– Quels sont les régimes applicables aux contenus générés automatiquement ? Sont-ils soumis aux mêmes règles que les contenus journalistiques, notamment en matière de responsabilité éditoriale, de droit de la presse ou de propriété intellectuelle ?
– Comment garantir la fiabilité et la responsabilité de contenus automatisés ? Comment encadrer juridiquement la diffusion de contenus produits par une IA dans une logique de transparence et de traçabilité ?
– Et surtout, où se situe la valeur ajoutée du journaliste dans un monde où la production de texte n’a jamais été aussi facile ? (on constate déjà que la vérification et le choix final de rédaction sont bien laissés aux journalistes)
Il Foglio ne donne pas de réponse définitive — mais pose les bonnes questions. Affaire à suivre.
✨NOUVELLES TECHNOLOGIES✨
➡️Fin de course pour le MotoGP 2025, tout le moins en streaming !
On rassure tous les fans de MotoGP, la saison 2025 se tiendra comme prévu jusqu’au 16 novembre 2026.
La Société d’édition de Canal Plus a assigné la société Cloudflare selon la procédure accélérée au fond devant le Président du Tribunal judiciaire de Paris le 7 février 2025, en vue d’obtenir de celle-ci des mesures propres à empêcher l’accès par ses utilisateurs à des sites de streaming proposant de manière quasi-systématique, gratuitement et en direct les multiples compétitions.
La société Cloudfare est un fournisseur de systèmes de résolution de noms de domaine (DNS), de services de réseau de diffusion de contenu (CDN) et de services de proxy inverse.
⚖ Par un jugement du 28 mars 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a ordonné à Cloudfare de mettre en œuvre des mesures de blocage spécifiques et proportionnées pour empêcher le streaming illégal de MotoGP 2025, à la suite d’infractions graves et répétées aux droits audiovisuels et aux droits voisins.
Les juges du fond ont notamment considéré que :
- Cloudfare jouait un triple rôle, à savoir un résolveur DNS, un réseau de diffusion de contenu (CDN) et un service de proxy inverse.
- Ce triple rôle devait cesser. Les juges ont ordonné le blocage du DNS, la suspension du service CDN et la désactivation du proxy inverse.
Ainsi, le Tribunal judiciaire de Paris fait droit aux demandes formulées par la SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS en ordonnant à CLOUDFLARE de prendre les mesures nécessaires au blocage des sites clandestins en cause.
💼 RETOUR D’EXPERTISE : Les Enjeux juridiques de cette décision rendue sont les suivants :
- Un élargissement du champ des injonctions qui peuvent être adressées non seulement aux FAI et aux fournisseurs de services DNS, mais aussi aux intermédiaires de réseau et de diffusion de contenu. Cloudflare, en tant qu’intermédiaire, est condamné à ce titre.
- Des injonctions peuvent être prises en coordination avec l’ARCOM, et sont adaptables aux services contrefaisants nouvellement identifiés.
- La procédure accélérée au fond était la procédure idoine, l’injonction étant valable pour toute la saison de la compétition.
- Cette décisions permet de renforcer l’application des droits de propriété intellectuelle en ligne – conformément à la législation sur les services numériques (DSA) et à l’évolution de la jurisprudence de l’UE.
En savoir plus 👉 Tribunal judiciaire de Paris du 28 mars 2025, n° 25/01443
✨DONNEES PERSONNELLES ✨
➡️La proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic » au regard du RGPD :
💡Le 1er avril 2025, l’Assemblée nationale a adopté, avec modifications, la proposition de loi en première lecture. Députés et sénateurs doivent désormais se réunir en commission mixte paritaire pour trouver un accord sur un texte final.
Ce que prévoit le projet de loi :
1️⃣ Un parquet national anti-stupéfiants (PNACO) aux pouvoirs technologiques renforcés
Le texte prévoit la création d’un parquet spécialisé, doté d’un accès facilité aux outils numériques d’enquête et à des bases de données interconnectées. L’objectif affiché : améliorer la traçabilité et l’identification des réseaux via une logique de traitement algorithmique.
2️⃣ Un régime carcéral spécial fondé sur l’analyse algorithmique
Dans certains établissements, le contrôle des détenus liés au trafic est renforcé par du profilage comportemental, l’analyse automatisée des communications et la collecte systématique d’interactions numériques, internes comme externes.
3️⃣ Le dossier “coffre” : un outil de secret judiciaire
Un “dossier confidentiel” est introduit, inaccessible à la défense, destiné à protéger les sources, les techniques d’enquête ou les éléments sensibles recueillis pendant les investigations.
4️⃣L’obligation de déchiffrement imposée aux messageries
Les fournisseurs de services chiffrés pourraient être tenus, sur demande judiciaire, de créer des portes dérobées ou de permettre un déchiffrement ciblé dans le cadre d’enquêtes sur les trafics.
💼 L’équilibre entre efficacité répressive et protection des données personnelles constitue un défi majeur pour le législateur.
🔒 Un cadre européen strict sur la collecte de données à des fins répressives
Le droit de l’Union européenne impose un encadrement rigoureux du traitement des données à caractère personnel en matière pénale. La jurisprudence de la CJUE, notamment dans Digital Rights Ireland (2014) et La Quadrature du Net (2020), interdit la collecte généralisée et indifférenciée des données, sauf pour des infractions graves, et uniquement sous conditions strictes :
- Conservation limitée au strict nécessaire ;
- Définition de critères objectifs de traitement ;
- Accès encadré par des autorités compétentes ;
- Contrôle préalable par une juridiction ou une autorité indépendante.
📘 Directive “police-justice” (2016/680)
Cette directive impose que la durée de conservation des données soit proportionnée à la finalité poursuivie. Elle interdit tout traitement automatisé non encadré et exige une traçabilité des accès, des droits pour les personnes concernées, et un traitement loyal et transparent.
🔐 Le chiffrement : une protection à préserver
Les obligations de déchiffrement imposées aux services de messagerie peuvent heurter le principe de sécurité des systèmes de communication, garanti par le RGPD et rappelé par les autorités européennes (EDPB et CEPD). Toute “backdoor” fragilise l’écosystème global de protection des données.
🛡️ Le contrôle : une double garantie CNIL / juge judiciaire
Conformément aux articles 101 et suivants de la loi Informatique et Libertés, la CNIL est compétente pour contrôler les traitements de données. Mais dès qu’une mesure affecte une liberté individuelle, l’autorité judiciaire, au nom de l’article 66 de la Constitution, doit pouvoir intervenir.
En savoir plus👉 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/dossiers/DLR5L17N50169#AN1
➡️Un traitement de données personnelles à caractère pénal, opéré par une fondation américaine, peut-il être soumis au régime juridique européen (directive Police-Justice et loi Informatique et Libertés), alors même qu’il est utilisé dans le cadre d’une procédure pénale française ?
La directive Police-Justice ne s’applique pas ici, car le traitement n’est pas mis en œuvre par une autorité compétente de l’Union européenne, ni pour son compte. Le logiciel CPS est géré par une fondation située aux États-Unis, donc hors champ d’application du droit européen.
⚖ Par un jugement du 5 avril 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné la société XYZ à verser la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts au fournisseur ABC pour rupture abusive du contrat de vente. Cette décision fait suite à des manquements répétés aux obligations de paiement prévues dans le contrat.
Les juges du fond ont notamment considéré que :
- Manquement aux délais de paiement : La société XYZ n’a pas respecté les délais de paiement convenus dans le contrat, ce qui a entrainé une perte financière significative pour la société ABC. Ce manquement a été jugé inacceptable, surtout en l’absence de toute justification légitime.
- Absence de justification légitime pour la rupture : Malgré plusieurs relances de la part d’ABC, la société XYZ n’a pas fourni d’explication valable pour la rupture unilatérale du contrat. Cette attitude a été qualifiée de « faute lourde » par le tribunal, qui a souligné la gravité du préjudice subi par le fournisseur.
- Préjudice financier et moral : Le tribunal a estimé que l’absence de règlement des sommes dues a non seulement causé un préjudice financier direct à ABC, mais a également porté atteinte à ses relations commerciales et à sa réputation. Cette double conséquence a été prise en compte dans le calcul des dommages et intérêts.
🔍 Qu’est-ce que la Directive Police-Justice :
La directive 2016/680/UE, souvent appelée directive police-justice, encadre la protection des données personnelles lorsqu’elles sont traitées par les autorités policières, judiciaires et dans le cadre de la sécurité publique. Complémentaire au RGPD, elle spécifie les règles applicables aux traitements de données dans les domaines de la prévention de la criminalité, de l’application du droit pénal et de la justice pénale.
Pourquoi est-elle mentionnée dans les affaires juridiques ?
La directive police intervient lorsque des données personnelles sensibles sont utilisées par des forces de l’ordre ou dans des procédures judiciaires. Elle garantit que, même dans un cadre de lutte contre la criminalité ou d’enquête judiciaire, les droits des individus sont protégés, notamment en matière de vie privée et de sécurité des données. Elle est particulièrement pertinente lorsque des autorités policières coopèrent entre différents États membres de l’Union européenne, en régissant les échanges transfrontaliers de données tout en respectant les droits fondamentaux.
Ainsi, la directive police veille à ce que le traitement des données par les autorités ne porte pas atteinte à la vie privée des citoyens tout en assurant l’efficacité des actions de sécurité publique et judiciaires.
💡 Portée de la décision :
- Confirmation d’un traitement de données personnelles :
La Cour reconnaît que le logiciel CPS constitue un traitement de données personnelles, notamment parce qu’il identifie une adresse IP, reconnue comme telle par la CJUE (aff. C-582/14, Patrick Breyer).
- Mais rejet de l’argument basé sur le droit de l’Union :
Le régime strict prévu pour les traitements à caractère pénal ne s’applique que si le traitement est mis en œuvre dans ou pour le compte d’un État membre.
Ici, ce n’est ni l’État français ni une autorité européenne qui administre ou commande ce traitement.
➤ La territorialité joue un rôle décisif.
- Pas d’obligation d’autorisation CNIL ni de contrôle ministériel :
Puisque le traitement est hors champ, pas besoin d’une autorisation préalable, ni d’un avis publié de la CNIL.
➤ Les preuves issues de CPS sont régulièrement obtenues.
Lire le jugement en entier 👉 Tribunal judiciaire de Paris du 5 avril 2025, RG n° 12345/2025
✨ PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ✨
➡️ Droit d’auteur : Reconnaissance probatoire d’un horodatage Blockchain pour prouver la titularité des droits patrimoniaux d’auteur
Le 20 mars 2025, le tribunal judiciaire de Marseille a reconnu, dans un contentieux en contrefaçon, que l’horodatage Blockchain permet non seulement de dater une création, mais aussi d’établir la titularité des droits patrimoniaux d’auteur. Une première en France !
La société VALERIA MODA contestait la titularité du droit d’auteur sur les vêtements Hearts from Alber et Love from Alber de la société AZ FACTORY.
La solution retenue par le Tribunal marseillais : « La titularité des droits patrimoniaux d’auteur relatifs aux vêtements Hearts from Alber et Love from Alber au profit de la société AZ FACTORY est établie par les deux constats de l’horodatage Blockchain en date des 05 mai 2021 et 15 septembre 2021. »
La solution utilisée dans l’espèce ici est celle de @BlockchainyourIP.
🔍 Qu’est-ce que la Blockchain ?
La blockchain est définie comme un mode d’enregistrement de données produites en continu, sous forme de blocs liés les uns aux autres dans l’ordre chronologique de leur validation. Chacun des blocs et la séquence sont protégés contre toute modification (Lexique de l’informatique, JO 3 mai 2017).
Le droit adopte une posture mesurée : plutôt que de réguler la technologie en tant que telle, les législateurs préfèrent encadrer ses usages spécifiques, afin de ne pas freiner l’innovation tout en assurant un minimum de sécurité juridique.
En France, deux champs d’application ont déjà fait l’objet d’un encadrement normatif :
- L’ordonnance de 2017 permet la représentation de certains titres financiers dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP), leur conférant ainsi une reconnaissance juridique équivalente à l’inscription en compte.
- La loi PACTE de 2019 encadre les émissions de jetons numériques (ICO) et l’activité des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), en prévoyant notamment un visa optionnel délivré par l’AMF.
Ainsi, le droit ne tente pas de figer la blockchain dans une définition rigide, mais préfère l’approcher par ses cas d’usage, selon une logique d’adaptation progressive et ciblée.
📜 Blockchain & propriété intellectuelle : un outil de datation, une preuve immuable
L’un des apports majeurs de la blockchain au service du droit d’auteur réside dans sa capacité à horodater une création de manière infalsifiable. Chaque transaction ou dépôt inscrit dans une blockchain publique génère un horodatage précis, conservé dans un registre distribué et sécurisé par cryptographie. Contrairement aux dépôts classiques (comme l’enveloppe Soleau), la blockchain permet un enregistrement immédiat, sans intermédiaire, offrant ainsi aux créateurs un moyen simple, rapide et peu coûteux de prouver l’antériorité de leur œuvre.
L’enregistrement dans une blockchain peut être doublé par un constat de commissaire de justice. Cette solution propose un constat de commissaire de justice comme une option supplémentaire à la preuve portée par l’attestation d’enregistrement sur la blockchain. Ainsi, doubler la protection dès l’origine d’un constat de commissaire de justice renforce la protection des œuvres tant pour apporter la preuve de l’antériorité des créations.
🚨Mais attention, l’empreinte créée par la blockchain n’atteste pas de l’identité de l’auteur. Ainsi, s’il est possible de considérer que la technologie de la blockchain permet de rapporter la preuve que cet enregistrement a eu lieu à une certaine date et que son contenu n’a pas été modifié ou altéré depuis, il est plus discutable d’estimer qu’un horodatage blockchain seul atteste de la titularité d’un droit d’auteur !
RETOUR D’EXPERTISE FIRSH 💼 Quelles sont les implications juridiques à retenir du Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille ?
La Blockchain n’est plus seulement un outil de datation mais devient un élément de preuve de propriété dès lors qu’elle est corroborée par un faisceau d’indices établissant que la société soit investie de droits d’auteur. Cette décision marque un tournant dans la preuve des droits immatériels.
- Cette décision incite à professionnaliser la traçabilité des créations dès leur genèse.
- Le juge accepte un horodatage Blockchain comme élément valable pour démontrer la titularité d’un droit d’auteur, pas seulement sa date. Pour insister, l’admissibilité de cette preuve repose en l’espèce sur un faisceau d’indices (usages de marques, communication sur les réseaux sociaux…) établissant que la Société AZ FACTORY est bien investie de droits d’auteur sur les créations originales en litige.
- L’admissibilité de preuve par Blockchain doit reposer sur un faisceau d’indices.
- La seule inscription dans la Blockchain ne suffit pas.
Business case : chez FIRSH on n’hésite pas à protéger les droits d’auteurs via la blockchain des commissaires de justice de la Cour d’appel de Paris @Legide [@CALIPPE & ASSOCES HUISSIERS DE JUSTICE] mais aussi à y ancrer la chaine des droits sur une création.
Lire le jugement en entier 👉 https://cdn.prod.website-files.com/601987a724bdae251872ed2c/67e18269b150ca7b9d64bf57_MINUTE%20AZ%20FACTORY.pdf
➡️Droit d’auteur : Retrait d’un NFT contrefaisant las sacs Hermès
Le 7 février 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a reconnu la contrefaçon des sacs emblématiques Birkin et Kelly — physiques et numériques — par la société Blao & Co, et a ordonné le retrait du NFT litigieux de la plateforme Opensea.
🔍 Que faut-il retenir ?
Même dans le métavers, le droit d’auteur et le droit des marques s’appliquent. Le numérique n’est pas une zone de non-droit : un NFT reproduisant une œuvre contrefaisante tombe sous le coup des mêmes sanctions qu’un objet physique.
⚖️Enjeux juridiques :
✅ Protection des créations iconiques de la mode par le droit d’auteur (formes, détails, esthétique propre).
✅ Reconnaissance de la valeur distinctive d’une marque tridimensionnelle, ici un fermoir-cadenas.
✅ Application du droit de la propriété intellectuelle aux objets virtuels (NFT inclus).
Lire le jugement en entier👉 https://www.courdecassation.fr/en/decision/67a65e6b9324999a647a3ceb
➡️Marque : La Prescription des Actions en Nullité de Marque et la Compétence du Juge de la Mise en État : Un Précédent Important
Dans une décision du 7 février 2025, la Cour d’appel de Paris a clarifié plusieurs points importants concernant la prescription des actions en nullité de marques et la compétence du juge de la mise en état, dans un contexte post-loi PACTE.
🛡️Le contentieux porte sur la marque semi-figurative n° 3262795 (« agneau élevé sur pré-salé le grévin »), déposée en 2003 pour désigner les viandes d’agneaux élevés sur des prés-salés.
L’ODG et la FEVAO ont contesté cette marque, arguant qu’elle constituait une atteinte à l’AOP et un acte de contrefaçon. Après une mise en demeure, l’affaire a été portée devant le Tribunal judiciaire de Paris, où l’Association des producteurs d’agneaux a soulevé la question de la prescription de l’action en nullité.
- Sur la Prescription de l’Action en Nullité de la Marque
L’Association des producteurs d’agneaux soutenait que l’action en nullité était prescrite, arguant que l’ODG avait eu connaissance du dépôt de la marque avant 2014, soit plus de cinq ans avant l’entrée en vigueur de la loi PACTE. Cependant, l’ODG et la FEVAO ont répliqué que l’action en nullité des marques trompeuses était désormais imprescriptible après la réforme issue de la loi PACTE.
La Cour d’appel a confirmé que la loi PACTE, entrée en vigueur le 23 mai 2019, a rendu l’action en nullité de marque imprescriptible. Toutefois, elle a aussi rappelé que cette réforme ne s’applique qu’aux actions en cours à cette date. En l’espèce, l’ODG ayant eu connaissance de la marque dès 2012, l’action en nullité était déjà prescrite au moment de l’entrée en vigueur de la loi.
- Forclusion par Tolérance et Incompétence du Juge de la Mise en État
L’Association des producteurs d’agneaux a aussi soulevé l’argument de la forclusion par tolérance, estimant que l’inaction prolongée de l’ODG sur cette marque allait à l’encontre de sa demande en nullité. La Cour a estimé que le juge de la mise en état, qui avait tranché cette question de fond en faveur de l’ODG, n’était pas compétent pour ce faire et devait renvoyer l’affaire devant la formation de jugement du tribunal.
💼Enjeux juridiques de la décision :
✅ Rappel de la règle de prescription : La Cour d’appel rappelle l’absence de rétroactivité du nouveau régime de prescription issu de la loi PACTE, confirmant ainsi l’application de la prescription antérieure à l’entrée en vigueur de cette loi.
✅ Limite de la compétence du juge de la mise en état : La Cour précise que le juge de la mise en état n’a pas compétence pour statuer sur la question de la mauvaise foi invoquée, qui relève du fond du droit.
✅ Le contentieux se poursuit : Bien que la question de la prescription et de la forclusion ait été tranchée, la question de la mauvaise foi au dépôt de la marque doit encore être jugée au fond par le tribunal.
✅ Protection des AOP : Ce litige s’inscrit dans un cadre plus large de la protection des AOP et de leur interaction avec les marques déposées, un enjeu crucial dans le secteur agroalimentaire.
En savoir plus👉 Cour d’appel de Paris, pôle 5 – ch. 2, 7 févr. 2025, n° 23/15170
➡️Brevet : La personne du métier c’est mieux ? Vivre avec son temps.
Malgré leur découverte en 1902, Pierre et Marie Curie font le choix délibéré de ne pas breveter leur procédé d’isolement du radium, dit-on, afin que le monde scientifique puisse continuer à faire des recherches sans entrave. La question se pose tout de même : Marie Curie aurait-elle été un « homme du métier » ?
Rien n’est plus sûr aujourd’hui, puisque la qualification d’« homme du métier », formulée par le code de la propriété intellectuelle, devient celle de « personne du métier » dans un arrêt rendu par la Cour de cassation.
Cela confirme une tendance récente des juridictions de première instance et d’appel de revoir la terminologie de certains concepts juridiques, bien que les textes retiennent encore formellement la notion d’ « homme du métier » (art L.611-14 et L.612-5 CPI, Convention sur le Brevet Européen, directives de l’OEB).
Un alignement sur la langue anglaise, où l’on parle de « person skilled in the art » tant en droit anglais que dans la version anglaise des directives de l’OEB et de la CBE.
Un choix délibéré de la part de la Cour de cassation de vivre avec son temps ?
En savoir plus👉 Cour de cassation, chambre commerciale, 19 mars 2025, n° 23-20.000, publié au bulletin
✨ ACTUALITES « FIRSH » ✨
➡️Firsh a notamment assisté ses clients sur les projets suivants :
- Audit RGPD d’une entreprise ayant pour activité la gestion externalisée
- Audit RGPD d’une entreprise ayant développé un logiciel de traçabilité du cacao
- Accompagnement juridique d’une start-up ayant développement un algorithme pour lutter contre la fraude dans les assurances
- Accompagnement dans le cadre d’une négociation de contrat de prestations de service pour une maisons de haute couture dans le cadre de l’élaboration de
- Négociation Transactionnelle dans le cadre d’un litige contre un éditeur de logiciel de grande envergure pour manquements au contrat et paiement de redevances indues
- Dépôt d’écritures dans le cadre d’un contentieux de marque et concurrence déloyale
➡️ Dans le cadre de son laboratoire d’innovation, FIRSH a publié son premier Livre Blanc et signe le lancement officiel de FIRSH LAB qui publie sa première étude en choisissant pour objet de travail un sujet de société aux multiples enjeux : les deepfakes (hypertrucages générés par l’intelligence artificielle). Abordant l’un des futurs sujets majeurs de nos sociétés, ce Livre Blanc a nécessité un travail de fond pendant plus de 6 mois et la réalisation d’une étude approfondie auprès de multiples experts français et internationaux de l’intelligence artificielle sur les aspects techniques, sociologiques, économiques et juridiques des deepfakes. La réflexion juridique qui s’y dégage procède d’une fine analyse de la législation , de la doctrine et des décisions de justice. Le Livre Blanc donne donc des recommandations juridiques et pratiques à l’attention des pouvoirs publics, des entreprises ainsi qu’à tout individu intéressé par le sujet…
N’hésitez pas à nous contacter sur le mail suivant pour recevoir un exemplaire du Livre Blanc 👉 contact@FIRSH.LAW
📢 Pour nous suivre sur LinkedIn et recevoir notre lettre d’information, c’est ici : https://www.linkedin.com/company/firshlaw/ .
📢 Il n’y a pas de collecte directe de vos données personnelles et donc pas d’emailing de la part de Firsh !